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mardi 2 février 2016

La Tiers-Mondialisation (5)

Ecrit en décembre 2012
La Tiers-Mondialisation (5)

Comment sortir de la crise ?

Peut-on simplement se contenter de retourner le sablier pour en sortir?
            Pour sortir de la crise, d’aucuns proposent simplement de retourner le sablier. Ils veulent re-coupler les zones géographiques de production et de consommation. Au Nord, il s’agit de démondialiser[1], de relocaliser les productions, sur une base communautaire (Europe) ou nationale, de revenir sur le partage de la valeur ajoutée… Il faut, notamment grâce au protectionnisme, organiser le retour à la « pureté » du fordisme initial en autocentrant la croissance sur le marché intérieur.
Après les Trente glorieuses des financiers, les nouveaux « sauveurs » du capitalisme souhaitent redémarrer une période de Trente glorieuses des salariés. L’idée sous-jacente est celle de l’existence de cycles économiques d’expansion –contraction, de mondialisation – démondialisation. Le débat entre les néolibéraux et les néo-keynésiens semble principalement porter sur le partage de la valeur ajoutée : plus ou moins pour les salaires et plus ou moins pour les profits. En fait, il suffirait de repositionner le curseur pour résoudre la crise.
            Cet éventuel retour au fordisme soulève un certain nombre de questions notamment liées à l’écologie, aux ressources naturelles… car les conditions actuelles diffèrent de celles d’après-guerre.
S’il est évident qu’il faille privilégier le retour à un développement plus autocentré, il convient de s’interroger sur le contenu du processus. À ce propos, les enseignements des pionniers de la pensée du développement peuvent nourrir la réflexion.

Pour sortir de la Tiers-mondialisation, il faut supprimer la domination de la finance
            Après la deuxième guerre mondiale, de nombreux économistes, structuralistes ou plus radicaux, se sont intéressés à la définition du sous-développement ainsi qu’aux voies et moyens d’en sortir. Comme la Tiers-mondialisation peut être assimilée, d’une certaine manière, à un retour à un état de sous-développement, il apparaît judicieux de revisiter certaines thèses défendues par les économistes du développement.
En s’inspirant de l’analyse du sous-développement de François Perroux, on peut percevoir le phénomène de la Tiers-mondialisation comme le résultat d’une dynamique de domination[2]. Pour Perroux, le sous-développement était principalement engendré par la domination coloniale ou néocoloniale. De façon similaire, la Tiers-mondialisation est le produit de la domination du capitalisme financiarisé, qui désarticule les structures économiques, sociales, institutionnelles et politiques de l’ancienne configuration (le libéralisme régulé[3]) et les réarrange dans une configuration « nouvelle » fondée sur une base géographique plus vaste, en vue de la maximisation des profits.
Pour sortir de la Tiers-mondialisation, il faut en supprimer la cause première, c’est-à-dire la domination de la finance et l’appareil de contrainte qui lui est associé. Il ne s’agit pas simplement de tenter d’atténuer ou de réduire cette domination, par exemple avec des mesures du type taxe Tobin sur les transactions financières, il convient de la rejeter pleinement. À cette fin, tout un arsenal de mesures est à disposition. Il comporte notamment la reprise en main, par les États, de leur souveraineté monétaire. Il faut aussi se dégager de l’appareil de contrainte qui impose la domination de la finance. Cela signifie, au moins dans un premier temps, la désobéissance aux traités, aux lois et aux règles qui régissent le système d’exploitation – sujétion néolibéral. L’objectif est d’organiser la déconnexion[4] d’avec ledit système. Cette démarche sera facilitée si elle s’opère, non plus sur un socle national, mais sur celui d’un regroupement régional.
Etant donné que « la forme essentielle de la domination dans notre société repose sur la capacité organisationnelle de l’élite dominante, laquelle va de pair avec sa capacité à désorganiser les groupes sociaux[5] », une restructuration s’impose. 



[1] Sur le concept de démondialisation, voir : Walden Bello, Deglobalization : ideas for a new world economy, Londres et New York, Zed Books, 2002 - Jacques Sapir, La démondialisation, Paris, Seuil, 2010.
[2] Pour Perroux, « L’effet de domination est la relation entre inégaux qui se constate entre agents, entreprises et nations. Cet effet est lié non seulement à la dimension de la dotation initiale des biens mais aussi au pouvoir de négociation (ou de transformation des règles du jeu), à la nature de l’activité ou à l’appartenance à une zone d’activité dominante », Hector Guillem Romo, « François Perroux : Pionnier oublié de l’économie du développement », Colloque : Economie politique internationale et nouvelles régulations de la mondialisation, Poitiers 14-15 mai 2009, p.11.
[3] Il s’agit du fordisme au Nord et du nationalisme - clientéliste au Sud, cf. chapitre 2.
[4] Voir la thèse radicale de Samir Amin, La déconnexion, cf. bibliographie.
[5] Manuel Castells, L’ère de l’information, Vol. 1, La société en réseaux, Paris, Fayard, 1998, p. 467.

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